Immanquablement, Copenhague, repaire de grands chefs et ville œnophile, se devait de figurer dans l’itinéraire gourmand construit au fil des ans par les vignerons de l’AOC Crozes-Hermitage.
Après Paris, Bruxelles, Londres, Berlin et Stockholm, nous sommes donc partis à la découverte de la capitale danoise, et nous y avons fait la connaissance d’hommes et de femmes qui, comme nous, ont l’amour du bon vin et des jolies choses. De cette escapade amicale, nous avons ramené quelques portraits ainsi qu'une sélection de belles adresses (bars à vin et restos) dont on espère que vous ferez bon usage.
Le guide des bars à vin
À Copenhague, chaque quartier a son bar à vin, sinon plusieurs. L’esprit : sélection stylée et ambiance ultra-hygge. Notre sélection.
Dans les bars à vin de Copenhague, la diversité de l’offre est remarquable, grâce notamment à la myriade de petits importateurs qui fournissent les professionnels.
Chez nous, il est en effet très facile de créer une entreprise et beaucoup de Danois, de retour de vacances à l’étranger, fondent une société pour importer les vins qu’ils ont bus. Pas question toutefois de se laisser impressionner par les cartes à rallonge. À Copenhague, on peut aussi faire confiance aux sommeliers : ils gèrent !
René Langdahl
“ Copenhague est l'une des villes les plus excitantes au monde pour les amateurs de vin.”
Le guide des restaurants
Chefs stars, relève inspirée et contagieuse énergie font de Copenhague l’une des sensations du moment en matière de cuisine. Notre sélection.
C'est le succès du Noma qui a tout changé. Grâce à la nouvelle cuisine nordique, nos chefs ont appris à accorder de la valeur aux produits scandinaves, et nous aussi. La chose peut surprendre aujourd'hui mais, jusqu’il y a peu, nous autres Danois avions plutôt tendance à les mépriser.
Le rayonnement de la nouvelle cuisine nordique a ainsi permis la reconnaissance de restaurants très cotés - outre le Noma, Geranium, Kadeau et Stud!o - mais aussi d’irriguer en profondeur la scène culinaire. Autant il a longtemps été difficile à Copenhague de trouver des établissement d’un bon rapport qualité-prix, autant la difficulté est dorénavant de réussir à choisir parmi la pléthore de bonnes adresses aux prix tout à fait accessibles !
Rasmus Palsgård
“La nouvelle cuisine nordique a conféré une identité très forte aux chefs de Copenhague.”
Johann Duedahl Jacobsen
Avec ses deux acolytes Patrick Hult et Andreas Waechter, il tient Ancestrale, un bar à vin emblématique de l’évolution du Vesterbro, ex-quartier chaud devenu l’un des plus cools de Copenhague.
« Depuis que j’ai commencé à 17 ans à vivre de la cuisine, j’ai toujours eu lenvie d'un lieu à moi. Au fil des années, l’idée que je me faisais de ce lieu a probablement changé plusieurs fois. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours voulu un endroit dans lequel j’aurais moi-même envie de me rendre. Un endroit où l’on ne propose pas une offre standardisée mais où l’on tient compte de chaque client. Un endroit où l’on cherche toujours à bien faire, qu’il s’agisse du service, de la cuisine ou du vin. Je suis justement un grand passionné de vin et j’essaie toujours de dénicher de nouvelles perles, avec une prédilection pour les régions, les vignerons ou les vins qui savent sortir de l’ordinaire.
À Ancestrale, nous aimons les vins nature, au tempérament funky, comme les vins de style plus classique - mais toujours produits dans le respect de l’environnement, bien sûr. Les vins de Crozes-Hermitage jouissent d’une excellente réputation au Danemark. Mais on n’en boit pas assez ! Pourtant, ils font la paire avec la nouvelle cuisine nordique comme avec la cuisine plus spécifiquement danoise grâce à une structure joliment veloutée, qui leur sied mieux que des vins trop charpentés. D’ailleurs, je propose souvent un vin de Crozes-Hermitage quand j’ai un client qui recherche un vin élégant et apprécie les notes poivrées ou légèrement fumées. »
Christopher Melin
Ce Danois débonnaire est caractéristique de ces passionnés qui sont rentrés dans le commerce du vin en fondant une petite société d’importation puis en se diversifiant. Vin de table, bar à vin du quartier de Nordvest, est issu de cette histoire.
« Le vin, ça fait longtemps que je suis tombé dedans ! Après avoir suivi des études dans le domaine des food studies et travaillé pour plusieurs restaurants ainsi que pour un importateur, j’ai créé une petite société d’importation de vin en 2011. Vin de table est à la fois le prolongement naturel de l'activité de la société et l’aboutissement d’un rêve d’enfant car j’ai toujours rêvé d’être le propriétaire de mon propre établissement. Vin de table est un bar à vin situé à Nordvest, qui est l’un des quartiers qui montent à Copenhague. Il y a une grande énergie et beaucoup de jeunes, et nous n’avons jamais regretté de nous y être installés.
Les habitants nous soutiennent énormément. Ici, le vin fait partie intégrante de la vie des gens, pour accompagner un bon repas ou dès lors qu’on est en bonne compagnie. Les choses ont beaucoup évolué en bien sur les cinq dernières années, avec une montée en gamme du service dans les restaurants et l’ouverture de nombreux bars à vin mais aussi la consommation à domicile, de plus en plus avertie. Crozes-Hermitage a l’image d’un vin pour les connaisseurs mais le nord de la Vallée du Rhône est une région tellement fantastique que j’essaie de me comporter en passeur. »
Sigrid Dyekjaer
Nouvelle recrue de l’Académie des Oscars, cette productrice de films documentaires reconnus est aussi une francophile avérée et une grande amatrice de vins.
Dans la vie de Sigrid Dyekjaer, il y a deux grandes passions. Le cinéma bien sûr, dont elle a fait son métier en assurant la production de documentaires (The Monastery, Something Better To Come…) qui se démarquent par leur ambition et leur succès critique avec de nombreux prix obtenus dans les festivals. Et il y a le vin, qui appartient d’abord au rituel familial.
« Le vendredi soir, j’aime déboucher une bonne bouteille. Je l’accompagne d’un peu de pain et de l’huile d’olive que produit ma mère, qui vit depuis plusieurs années en Vallée du Rhône, dans le sud de la France. C’est important pour moi de faire découvrir le vin à mes grands enfants afin qu’ils puissent mettre des mots sur ce qu’ils goûtent. »
Et puis, il y a les voyages, singulièrement en Vallée du Rhône. « Ma mère, je vais le plus souvent la voir en voiture car le trajet n’est finalement pas si long depuis le Danemark. Et puis j'aime cette sensation de rouler au milieu des vignes, qui me rappelle à quel point le vin est vivant. »
Comme il fallait bien que, tôt ou tard, les deux grandes passions de Sigrid Dyekjaer se croisent, son prochain documentaire sera consacré à l'histoire du domaine Frederiksdal. Situé à Harpelunde dans l’ouest de l’île danoise de Lolland, il est spécialisé dans la production de grands vins de cerise, issus de cerises Stevns, dont on dit qu'elles sont les raisins des pays nordiques.
Julie Boénec
John Kørner
Créateur de réputation majeure au Danemark, cet esprit libre est connu pour ses tableaux révélant la noirceur de notre époque. C’est aussi un grand amateur de vin.
Ancré à Copenhague depuis de nombreuses années, John Kørner a cependant grandi à la campagne, sur l’île de Lolland. De son enfance au bord de l’eau, il garde une forte relation avec la nature et une fascination pour les lumières changeantes. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il vient de déménager son atelier dans les docks du quartier de Sydhavn, dans les marges portuaires de la capitale danoise. C’est en effet là que l’artiste compte poursuivre son œuvre, en s’emparant toujours de sujets actuels, à visée sociale ou politique. « J’aime observer comment les gens mènent leurs vies et croiser les univers. Car c’est dans les interstices que je puise mon inspiration. » Comble du mélange, sa fresque War Problems, consacrée à la guerre en Afghanistan, est aujourd’hui exposée au palais Amalienborg, la résidence hivernale de la monarchie danoise.
D’ailleurs, l’homme aime donner à voir ses œuvres, façonnées par les crises, environnementales, militaires, humanitaires, de notre temps en les imposant dans les lieux de l’establishment, galeries tendance ou musées célèbres de Copenhague, Londres ou Helsinki. Dans cet univers créatif où la vivacité des couleurs contraste avec la noirceur des sujets, le vin, passion ancienne, apparaît presque comme une heureuse échappatoire, libérée des contingences. S’il a un jour accepté de dessiner une étiquette pour la grande maison allemande Georg Breuer, John Kørner confesse ainsi une approche instinctive du vin : « J’aime parler des sensations que le vin donne mais en me concentrant purement et simplement sur l’instant vécu. »
Julie Boénec